Depuis ses débuts, Grand Theft Auto n’a jamais cessé de disséquer l’Amérique. Ses villes fictives, inspirées de New York, Miami ou Los Angeles, servent de terrains de jeu à une satire sociale mordante, devenue au fil des épisodes la véritable signature de la saga. GTA n’est pas seulement un jeu de crime en monde ouvert : c’est un miroir déformant de la culture et des contradictions des États-Unis.
Pourtant, l’idée d’un GTA se déroulant hors du territoire américain n’a jamais été totalement absente des réflexions de Rockstar. Bien au contraire. Comme le révèle aujourd’hui un ancien cadre du studio, la série a longtemps flirté avec l’international… sans jamais franchir le pas.
Des discussions bien réelles chez Rockstar North

Dans une interview accordée au site GamesHub, Obbe Vermeij, ancien directeur technique chez Rockstar North, revient sur une période charnière de l’histoire de la franchise. À l’époque de GTA III, Vice City et San Andreas, Rockstar explorait activement de nouvelles pistes géographiques.
« Nous avions des idées pour des GTA à Rio de Janeiro, Moscou ou Istanbul. Tokyo a même failli vraiment se faire », explique Vermeij.
Contrairement à ce que l’on pourrait croire, il ne s’agissait pas d’un simple concept jeté en réunion. Le projet GTA: Tokyo était suffisamment avancé pour qu’un studio japonais soit pressenti afin de reprendre la technologie de Rockstar et développer le jeu localement. Une collaboration ambitieuse, mais qui n’aboutira jamais.
Pourquoi GTA est resté ancré aux États-Unis

Si ces projets n’ont pas vu le jour, ce n’est pas par manque de curiosité créative. Pour Vermeij, la raison est avant tout structurelle. À mesure que la série a gagné en popularité jusqu’à devenir un mastodonte avec Grand Theft Auto V. le niveau de risque acceptable a drastiquement diminué.
« Quand des milliards de dollars sont en jeu, il est plus simple de revenir à ce que l’on connaît. L’Amérique est l’épicentre de la culture occidentale. Même sans y être allé, tout le monde a une image mentale de ces villes. »
Ce lien culturel immédiat entre le joueur et l’environnement est crucial pour GTA. Sortir des États-Unis, c’est prendre le risque de perdre cette reconnaissance instantanée, et donc une partie de l’impact satirique de la licence.
GTA hors USA : une option devenue incompatible avec l’échelle actuelle

Avec Grand Theft Auto VI, Rockstar entre dans une nouvelle dimension. Budgets colossaux, attentes démesurées, pression industrielle permanente : chaque décision est désormais pesée à l’aune de sa viabilité commerciale.
Vermeij se montre ainsi très sceptique face aux fantasmes persistants de GTA à l’étranger :
« Bogotá ? Toronto ? Ce serait de la nouveauté pour la nouveauté. À ce stade, ça n’a plus vraiment de sens. »
Même les idées d’extensions de carte vers d’autres pays ou d’intrigues internationales, souvent évoquées par les fans, représenteraient selon lui une complexité et un coût difficilement justifiables dans un projet déjà titanesque.
Avec le recul, GTA: Tokyo s’impose comme l’un des grands “et si” de l’histoire du jeu vidéo. Une bifurcation possible, fascinante, mais incompatible avec l’évolution de la série. En restant fidèle à l’Amérique, Rockstar a solidifié l’identité de GTA et assuré son statut de phénomène culturel mondial.
Reste cette question, inévitable : à quoi aurait ressemblé un GTA pleinement dépaysant, libéré de son ancrage américain ?
Une curiosité historique, aujourd’hui rangée dans les tiroirs de Rockstar… mais qui continue d’alimenter l’imaginaire des joueurs.

