Après avoir bouleversé le marché du PC, la flambée mondiale des prix de la mémoire commence à produire ses effets sur un autre pilier de l’industrie : la console de jeu. En toile de fond, un acteur devenu incontournable et envahissant l’intelligence artificielle. Selon une enquête de Reuters, la ruée des géants de la tech vers les puces mémoire nécessaires aux data centers d’IA exerce une pression inédite sur l’ensemble de la chaîne de production, au détriment du hardware gaming.
Résultat : des coûts qui explosent, des marges qui fondent, et une industrie contrainte de revoir ses plans à court comme à long terme.
Une pénurie durable, pas un simple accident industriel

DRAM, NAND, SSD : ces composants essentiels au fonctionnement des consoles modernes sont désormais au cœur d’une bataille industrielle où le jeu vidéo n’est plus prioritaire. Les fabricants de mémoire privilégient aujourd’hui les contrats les plus rentables, en particulier ceux liés à l’IA et aux centres de données, laissant le secteur du jeu composer avec une offre réduite.
Toujours selon Reuters, une large partie des capacités de production serait déjà réservée jusqu’en 2026, voire au-delà, pour répondre aux besoins de l’IA. Une situation qui pourrait entraîner une hausse de 10 à 15 % du prix des consoles actuelles dès l’an prochain, à commencer par la PlayStation 5 et les Xbox Series X | Xbox Series S.
Des ventes en berne et un marché sous pression

Cette inflation intervient dans un contexte déjà fragile. Les ventes de consoles devraient reculer de 4,4 % l’an prochain, et Microsoft a déjà procédé à plusieurs hausses tarifaires sur Xbox en 2025, avec un impact direct sur les volumes écoulés.
Dans un marché où chaque euro compte, les constructeurs marchent sur une ligne de crête : augmenter les prix pour préserver les marges, au risque de freiner encore davantage la demande. Une équation d’autant plus délicate que les consoles sont traditionnellement vendues à faible profit, voire à perte en début de cycle.
La prochaine génération pourrait aussi trinquer

Mais l’enjeu dépasse largement la génération actuelle. La pénurie de mémoire menace désormais le calendrier des consoles de demain. La PlayStation 6, attendue autour de 2027-2028, tout comme le futur hardware de Microsoft connu sous le nom de Project Magnus, un appareil hybride entre PC et console nécessiteront un lancement de production dès la seconde moitié de 2026.
Un timing particulièrement mal choisi, puisque c’est précisément à cette période que les tensions sur les composants devraient atteindre leur pic. Certains analystes estiment donc que des reports ne sont pas à exclure, afin d’éviter des lancements à des prix jugés excessifs par le public.
Valve et les nouveaux entrants en première ligne

La situation est encore plus périlleuse pour les nouveaux venus. Valve, qui prépare le retour des Steam Machines, pourrait être l’un des acteurs les plus exposés. Déjà confrontée à des arbitrages complexes sur le positionnement tarifaire, l’entreprise doit désormais composer avec un coût des composants en constante augmentation.
Dans un marché où le moindre faux pas peut être fatal, chaque décision devient stratégique.
Le message est limpide : la période actuelle pourrait représenter la dernière fenêtre d’achat “raisonnable” avant une nouvelle vague de hausses. Si la pénurie de mémoire se confirme sur plusieurs années, l’ensemble de l’écosystème constructeurs, éditeurs, studios et joueurs devra s’adapter à une réalité plus coûteuse.
Ironie du sort, c’est l’essor fulgurant de l’intelligence artificielle, symbole du progrès technologique, qui pourrait ralentir l’évolution du jeu vidéo sur console. Une collision industrielle révélatrice d’un marché en pleine mutation, où le gaming n’est plus seul à dicter les règles du jeu.

