À mesure que Intergalactic: The Heretic Prophet se précise, une autre réalité s’impose en filigrane : celle d’un développement sous pression, révélateur des contradictions persistantes de l’industrie. D’après une enquête de site Bloomberg, le prochain projet de Naughty Dog viserait désormais une sortie à la mi-2027, un objectif qui aurait récemment conduit le studio à imposer des heures supplémentaires obligatoires à une large partie de ses équipes.
Pendant près de sept semaines, à partir de la fin octobre, les employés concernés auraient dû effectuer au minimum huit heures supplémentaires hebdomadaires, officiellement déclarées en interne. Une mobilisation destinée à finaliser une démo interne stratégique, étape clé dans l’évaluation de l’état d’avancement du projet après plusieurs retards accumulés. Un épisode désormais terminé, mais qui laisse derrière lui une question récurrente : celle de la place du crunch dans les productions AAA contemporaines.

Car si Naughty Dog n’a jamais totalement échappé à cette culture de l’effort prolongé, Bloomberg souligne que cette période marque un retour du crunch institutionnalisé, imposé cette fois à la majorité du studio. Un signal difficile à ignorer, à l’heure où de nombreux acteurs de l’industrie affirment vouloir tourner la page des pratiques les plus éprouvantes, sans toujours parvenir à aligner discours et réalité du terrain.
En interne, la cible de mi-2027 susciterait déjà des inquiétudes. Non pas tant pour ce qu’elle promet que pour ce qu’elle implique : la possibilité de nouvelles phases de surcharge de travail à mesure que la production approchera de ses étapes finales, traditionnellement les plus gourmandes en ressources humaines. La récente fin de cette période d’heures supplémentaires, actée après la validation de la démo, ressemble davantage à une accalmie qu’à une véritable remise en question structurelle.
La direction aurait toutefois annoncé un retour temporaire à un cadre plus classique, avec trois jours de présence obligatoire par semaine jusqu’à la fin janvier, ainsi qu’un plan de production plus détaillé pour 2026 attendu après les fêtes. Des ajustements nécessaires, mais qui ne dissipent pas entièrement les interrogations sur la soutenabilité à long terme d’un projet de cette envergure.

Sur le plan créatif, Intergalactic: The Heretic Prophet n’en reste pas moins un pari audacieux. Première nouvelle licence de Naughty Dog depuis The Last of Us en 2013, le jeu propose un univers de science-fiction situé 2 000 ans dans le futur, dans une chronologie rétro-futuriste où l’humanité aurait maîtrisé les voyages spatiaux avancés dès les années 1980. Une ambition narrative et esthétique révélée au grand public lors des Game Awards 2024, et actuellement annoncée comme une exclusivité PlayStation 5.
Reste que derrière cette promesse créative se dessine un modèle de production toujours aussi exigeant, voire fragile. Intergalactic: The Heretic Prophet pourrait bien devenir un nouveau jalon artistique pour Naughty Dog. Mais il cristallise aussi une tension persistante : celle d’une industrie capable d’imaginer des futurs lointains, tout en peinant encore à réinventer ses propres méthodes de travail.

