Hideo Kojima n’a jamais été avare en concepts déroutants, mais ses dernières déclarations risquent de faire encore monter la température. Dans une longue interview accordée à Ananweb JP, le game designer japonais est revenu sur OD Knock et Physint, deux projets qui incarnent aujourd’hui l’ambition artistique la plus débridée de Kojima Productions. Quelques semaines seulement après les festivités du dixième anniversaire du studio et la conférence Beyond The Strand, le créateur précise enfin où il veut aller et pourquoi.
OD Knock : un faux jeu d’horreur pour une véritable rupture structurelle

Kojima sait pertinemment ce que le public pense : la bande-annonce d’OD Knock ressemble à l’ouverture classique d’un jeu d’horreur. Lent travelling, visages hyper-réalistes, tension minimale… et cette impression familière d’un genre déjà balisé.
Mais selon lui, cette lecture n’est que la surface d’un projet radicalement différent.
« Sur la base du trailer, on pourrait croire à un jeu d’horreur classique, mais c’est quelque chose qui n’a encore jamais existé », glisse Kojima, presque amusé. « Je ne sais même pas si cela va marcher. »
Le créateur explique que même ses œuvres les plus expérimentales Death Stranding en tête reposaient malgré tout sur des structures de jeu traditionnelles. Avec OD Knock, il tente de déplacer le modèle de service lui-même, de bousculer la manière dont l’expérience se consomme et évolue.
Il promet également que le trailer renferme des indices visibles mais cryptiques : un jeu de piste destiné à ceux qui aiment décortiquer ses œuvres, plan par plan.
Un terrain glissant, mais typiquement Kojima : l’expérimentation comme moteur, même au risque de se brûler.
Physint : l’espionnage “instinctif”… mais réinventé

À l’opposé d’OD Knock, Physint semble presque couler de source pour le créateur. Kojima en parle comme d’un genre qu’il pourrait produire « par instinct ».
Infiltration, patrouilles ennemies, système d’alerte, élimination silencieuse… tout cela, dit-il, « est simple et amusant à créer ».
Justement : c’est précisément ce confort-là qu’il veut éviter.
Physint est présenté comme un projet qui doit repousser la frontière entre cinéma et jeu vidéo, non pas via de simples cut-scenes spectaculaires, mais par une structure inédite et un “gimmick” que le créateur garde encore secret.
Kojima confirme aussi que des professionnels du cinéma ne seront pas seulement présents à l’écran : ils participeront directement au processus de création.
Il insiste enfin sur les thèmes du jeu, qu’il juge en train de devenir « réels plus vite que prévu », signe que l’œuvre pourrait s’inscrire dans un contexte social et technologique brûlant d’actualité.
Une vision qui déborde du cadre du jeu vidéo

Au-delà de ses deux monstres créatifs, Kojima laisse aussi entrevoir d’autres ambitions. Il envisage de réaliser un film, ou de créer un univers transmedia qui prendrait racine dans une œuvre cinématographique.
Il cite également sa collaboration avec Niantic Spatial, preuve qu’il s’intéresse à ces nouvelles formes de narration qui débordent de l’écran et s’inscrivent dans l’espace réel.
Malgré la longévité de sa carrière, Kojima rejette l’idée d’un futur paisible : pas de retraite ensoleillée sur une île tropicale.
Ce qu’il aime, répète-t-il, c’est créer, collaborer, expérimenter jusqu’au bout.
OD Knock et Physint : deux directions, un même enjeu

OD Knock s’inscrit comme le premier épisode d’un projet expérimental co-écrit avec Jordan Peele et développé avec Xbox Game Studios. L’expérience promet un mélange d’hyper-réalisme et d’architecture cloud sans aucune date de sortie.
Physint, de son côté, est annoncé comme l’œuvre-somme : un “retour à l’espionnage” vu comme un héritier spirituel du passé du créateur. Un mastodonte technologique, sans horizon de sortie avant la fin de la décennie.
Entre l’audace conceptuelle d’OD Knock et l’ambition cinématographique de Physint, une chose est sûre : Hideo Kojima n’a aucune intention de ralentir. Il prépare des expériences qui, chacune à leur manière, visent à redéfinir ce qu’un jeu vidéo peut dire, montrer ou même devenir.
Deux projets, deux risques, une même signature : la volonté farouche de ne jamais refaire deux fois la même chose.

