Revenons un instant en 2007. L’ère de la Xbox 360 battait son plein, Halo 3 faisait vibrer des millions de joueurs, et Microsoft régnait en maître sur une génération de consoles. Imaginer un jour voir Master Chief débarquer sur une console PlayStation aurait relevé du blasphème vidéoludique. Dix-huit ans plus tard, l’impensable se réalise : Halo n’est plus une exclusivité Xbox.
Une annonce historique et un symbole fort

Microsoft a officialisé la nouvelle avec la présentation de Halo: Campaign Evolved, un remake du tout premier épisode culte. Ce projet marque la fin d’une exclusivité vieille de 24 ans, scellant ainsi une transformation radicale de la stratégie Xbox.
Derrière cette décision se cache une justification inattendue : TikTok.
Oui, selon Matt Booty, président des contenus et studios Xbox, la véritable concurrence ne viendrait plus de Sony ou de Nintendo, mais des plateformes capables de capter l’attention des joueurs autrement.
“Notre plus grand concurrent n’est plus une autre console,” déclare Booty dans une interview au New York Times. “Nous rivalisons désormais avec TikTok, les films, et tout ce qui retient les joueurs loin de nos jeux.”
Un discours surprenant, presque provocateur, qui illustre la mutation de la marque : Xbox ne veut plus vendre uniquement des machines, mais occuper un espace dans l’écosystème du divertissement global.
La fin de l’exclusivité… ou d’une identité ?
Cette ouverture multiplateforme n’est pas nouvelle. Après Hi-Fi Rush et Sea of Thieves, c’est Gears of War qui a déjà rejoint le catalogue PlayStation plus tôt cette année. Une politique d’expansion qui, selon Booty, vise à rendre les licences Xbox “plus accessibles”.
Mais les chiffres racontent une autre histoire : les ventes de consoles Xbox stagnent, loin derrière celles de Sony et Nintendo — deux constructeurs qui continuent de capitaliser sur la puissance de leurs exclusivités.
Même certains anciens de l’industrie s’en amusent. Mike Ybarra, ex-président de Blizzard, ironisait récemment sur X (ex-Twitter) :
“Quelqu’un peut prévenir Nintendo que les exclusivités sont dépassées ?”
Difficile de ne pas y voir une pique directe à l’égard du discours de Redmond.
Les vraies blessures viennent d’ailleurs

Car si Xbox peine aujourd’hui, la faute n’incombe pas à TikTok. Le véritable tournant remonte à 2013, lors du lancement chaotique de la Xbox One. Une console 100 dollars plus chère que la PS4, encombrée d’un Kinect imposé que personne ne voulait, et d’une communication confuse sur la connexion obligatoire.
Cette erreur stratégique a coûté cher : Microsoft a perdu la confiance des joueurs, et cette fracture ne s’est jamais totalement refermée.
Le Game Pass, pourtant visionnaire, n’a pas suffi à redorer l’image de la marque. Entre hausse de prix, fermeture de studios, annulations de projets et nomenclature déroutante (Xbox One X, Series X, Series S…), la stratégie manque de lisibilité. L’écosystème Xbox s’étend, mais son identité se dilue.
Un futur entre PC, cloud et PlayStation

Aujourd’hui, la Series X est la console la plus chère du marché. Un paradoxe pour une marque qui dit vouloir “rendre le jeu accessible à tous”. Les marges élevées, les tarifs douaniers américains et les erreurs de positionnement laissent présager un avenir compliqué face à une PS6 annoncée comme plus abordable et plus simple à comprendre pour le grand public.
Les premières fuites laissent entendre que la prochaine Xbox pourrait devenir un hybride console-PC, inspiré du ROG Ally, misant sur la flexibilité plutôt que sur la guerre des puissances. Une orientation qui pourrait séduire les joueurs PC, mais qui éloigne encore un peu plus Xbox du modèle console classique.
Une nouvelle ère pour Xbox, mais à quel prix ?

Le discours de Matt Booty révèle une vérité plus profonde : Xbox ne cherche plus à dominer le marché du hardware. Elle se repositionne comme un éditeur universel, prêt à publier ses licences sur toutes les plateformes — même celles de ses anciens rivaux.
Et paradoxalement, c’est peut-être là que la marque trouve enfin son équilibre. Sea of Thieves, Hi-Fi Rush, Starfield ou Gears sur PlayStation : autant de signaux d’un Xbox post-consoles, tourné vers la diffusion plutôt que la domination.
Reste à savoir si les joueurs suivront. Car dans un monde où les frontières entre marques s’effacent, une question persiste : que signifie encore être “team Xbox” quand même Halo s’invite chez la concurrence ?




